Quotidien L'opinion,
le 11janvier 2009
le 11janvier 2009
El Hanni, l’homme qui
se rêve hirondelle...
Thami El Hanni n’a pas besoin de signer ses toiles avec les lettres de l’alphabet. La jolie hirondelle bicolore représentée dans ses compositions, délicatement et itérativement, suffit pour en faire une signature personnelle, voire un lien non apocryphe à la fois d’identification et d’ancrage mnémonique. Avec ce petit subterfuge imagé on peut aisément reconnaître l’œuvre et celui qui l’a conçue.La recherche formelle savamment et patiemment poursuivie, durant de longues années de labeur a mené notre artiste Ouazzani vers cette heureuse «hirondellisation » qui, au delà des à priori et à posteriori réducteurs, ferait date. Car elle revêt un aspect à la fois contemplatif et interrogatif. Les personnages qu’il peint sont des hommes d’un âge avancé. L’accoutrement traditionnel montre qu’ils sont du pays. L’hirondelle est présente même dans ses tableaux grand format qui sont marqués du sceau de l’informel. Elle transparaît en filigrane majestueusement. Cependant, l’on note dans les deux démarches artistiques cette lueur rouge qui s’immisce doucereusement pour égayer la tonalité chromatique surfant habilement entre le blanc et le gris. El Hanni, peintre de talent doublé de didacticien n’est pas un artiste pressé. Il sait pertinemment que les accidents de parcours guettent les artistes pressés. Chi va piano, va sano, doucement mais sûrement, il ne cherche pas à brûler les étapes. Il peint au gré de sa passion. L’omniprésence iconographique de cet oiseau si vénéré par les marocains qu’est Tayr Ababil est la preuve de son originalité. A vrai dire, il y a entre cet artiste et cette créature ailée une histoire d’ailes passionnante, une sorte de paradoxe aérien que l’on palpe à chaque fois que l’on contemple ses tableaux. Dans la majorité des représentations figuratives, l’hirondelle semble se maintenir dans le ciel comme par une étrange lévitation. Telle qu'elle est suspendue dans les airs, elle n’a pas besoin de la force aérodynamique de ses plumes. Dans cette perspective sémantique l’oiseau devient à la fois un témoin de ce qui se passe ici-bas et un lapsus métaphorique plein d’éloquence. El Hanni y était parvenu au terme d'une quête spirituelle et non pas par avidité de slogans publicitaires. D’ailleurs, c’est l’immobilité de l’hirondelle qui crée chez le picturomane la dynamique de perception. L’inverse, c’est à dire une hirondelle aux ailes déployées, nous aurait donné un air de déjà vu. C’est à dire la routine. Ce n’est pas par hantise que l'artiste en remémore plastiquement les bienfaits, mais par une sorte d’affection instinctive qu’il a laissé mûrir depuis sa tendre enfance. L’artiste a une connaissance encyclopédique de/sur l’hirondelle. Quand le hasard ou la coutume vous réunit autour d’un pot de café, les mains de l’artiste ne restent pas tranquilles, car l’hirondelle qui a niché son nid dans son esprit lui chatouille la paume. Avec la cuillère il se met à en dessiner la silhouette avec une spontanéité déconcertante. Le lait quitte sa vocation nutritive pour devenir pigment de coloriage. Dommage que cet art éphémère prenne la voie des éviers au lieu des galeries d’art. Mais rassurez-vous, l’homme est disert et prolixe, il y’a autant d’hirondelles peintes que de toiles.Enfin, si Abbas Saladi avait rêvé sans cesse d’un paon mythique entre le difforme et l’informe et si Ahmed Ben Yessef s’est révélé picturalement plus colombophile qu’on le pensait, El Hanni l’Homme-Hirondelle nous convie à un dialogue aphone entre un être humain et une hirondelle pacifique qui n’a rien à voir avec les oiseaux de proie . N’oublions pas que contrairement à ces oiseaux de malheur, les hirondelles font le printemps, donc la joie.
écrit par Razak
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